Robert Van brussel - "Pièces de noix",
Bruxelles, 2011







Pièces de noix

Exposition Pièces de noix, Galerie Vincent Colet, Bruxelles, mai 2011


Le travail est faussement photographique: des noix flottantes comme des ovnis, au milieu de grandes pages blanches.

Comment?
Ce sont des coups de pinceau appliqués avec lenteur et d‘après modèle, qui créent cette véracité visuelle proche de l‘absolu; car surprise, ce n‘est “que” de l‘aquarelle. Là où d'autres s‘agitent avec Photoshop et imprimantes; ici, ce sont les mains qui font directement le travail.

Que voyons-nous?
À première vue des natures mortes rendues sans pathos et sans histoire, ne montrant rien d‘autre que leur propos même. Ensuite que ces noix semblent bien réelles. Mais cette constatation est contredite par une mise en page bizarre. Enfin, on éprouve du rêve et de la poésie, sans comprendre pourquoi. C‘est ici que tout devient intéressant. La cohabitation d‘une authentique noix palpable et d‘un espace absurde autour, crée l‘ambiguïté, évoquant une sorte de “nouveau Réalisme Magique”, différente par son dépouillement et sa cinglante simplicité.

De quelle manière?
Ce résultat est l‘oeuvre d‘une poétesse. Même si la poésie est immanente à chaque sujet, pour l‘en faire sortir, il faut la virtuosité. Mais attention, pas celle qui enferme dans un halo de prouesses. Il faut la virtuosité de l‘exception, celle qui revendique à la fois une technique époustouflante et son occultation totale. Cette virtuosité engagée, nous émeut immédiatement, sans avoir besoin d‘explications hermétiques et culpabilisantes.

Que les aquarelles suggèrent la mélancolie du travail virtuose jamais abouti?
Que notre regard, guidé par la curiosité naturelle se concentre au milieu du papier et accentue l'aspect archétype de l‘objet?
Ce ne sont que des questions secondaires.
Ce qui nous intéresse, c‘est la virtuosité cachée, ambigüe, nouvelle. Elle éblouit parce qu‘elle nous change de l‘académisme contemporain. Nous sommes ici aux antipodes des clones ennuyeux du magistral Duchamp et de l‘œuvre de Malevitch, déjà centenaire.
Ce n‘est pas avec un vocabulaire d‘une centaine de mots, voire moins, qu‘on peut exprimer des concepts complexes. Les critiques d‘art le savent, eux qui puisent dans le plus volumineux des dictionnaires pour produire des textes inaccessibles au grand public.

Françoise Vigot, par la maîtrise de sa palette, la subtilité de son message, et par sa poésie, rejoint courageusement les autres disciplines contemporaines: la musique, la littérature, le cinéma, où, avec un solfège à nouveau complexe, une grammaire heureusement dense et des scénarios intelligents, on a dépassé un art contemporain malade de ses interminables radicalisations auto satisfaisantes, pour aller de l‘avant.

Une confidence à propos de ces noix exécutées à la lumière du jour: celles qui sont réalisées en hiver sont plus sombres que celles faîtes en été. Quel souci de justesse…